Quand je vois un vers de terre égaré au milieu de la route, je le remets sur le bas côté, passant outre un instant de dégout, pour le sauver d'une mort certaine par écrasement. Je les chéris: à une époque je les appelais même "mes bébés". Tellement je les aime. Ce petit machin fabrique la terre et la rend fertile. A tel point que la survie de notre espèce dépend de la leur, à aussi juste titre que de celle du grand tigre, de la baleine bleue ou des abeilles. En plus silencieux, discret et gluant. Certes.
Autant vous dire que je passe des heures à bichonner mon compost, et ne le dites à personne mais j'ai parfois l'impression, quand je suis sur le dancefloor, d'être tout comme ces petits vers qui grouillent, à qui tu donnes tes déchets et pouf, ça te fait de la belle terre.... et pas seulement quand je suis en train de ramper en me contorsionnant...
Parfois je me demande comment je conserverais mon équilibre psychique si je n'allais pas régulièrement danser pour composter ma matière psychologique. Comment je vivrais si danser ne me permettait pas de transformer ce qui, s'il reste à l'intérieur de moi, devient toxique pour mon organisme et, s'il en sort, devient art? Comment je ferais si je ne pouvais pas transformer tout ça en matière créative? Mes peines, mes joies, mes passés, mes attentes, mes ratés, mes extases, tout quoi. Où est-ce que je mettrais tout ça?
Et si le dancefloor était mon sol? Ma terre? Mon moi dansant serait ce petit vers qui, digérant ma matière psychologique, créerait un socle solide, sain, aéré et fertile pour laisser fleurir ma créativité.
Alors, on danse?
Comments