Cette nuit j'ai rêvé que je regardais un tableau et qu'en passant mes doigts devant chaque zone du tableau, comme si c'était une tablette, je pouvais revenir aux étapes précédentes de la création de cette partie du tableau. Pas seulement des étapes inachevées, comme si je voyais la mise en place chronologique de sa construction, mais plus des étapes différentes, complètement différentes, comme si le peintre n'avait jamais cessé de peindre au fil de son envie, repassant continuellement des centaines de couches, juxtaposant des centaines de touches qui racontaient toujours autre chose, sans jamais s'arrêter à un sujet: d'autres couleurs, d'autres structures, d'autres motifs, d'autres thèmes.
Chaque fois que je touchais une zone, le tableau était toujours plus beau, au point que je n'arrivais pas à m'arrêter: je continuais à faire défiler ce retro-palimpseste pour voir ce qu'il y avait encore derrière. Et encore. Et encore... Avec la crainte de gâcher ce que je découvrais en allant trop loin. C'était si facile de tout gâcher. Un simple geste. Mais même s'il m'arrivait de regretter de ne pas m'être arrêtée à l'étape précédente je continuais à faire défiler, et chaque fois, l'étape d'après me rassurait. Enfin l'étape d'avant.
Avant et après se mélangeaient. Comme des couleurs. Seul ce que j'avais sous les yeux comptait.
Et si la danse mélangeait avant et après pour nous permettre de vivre au présent?
Ne serait-ce qu'un instant?
Alors, on danse?