Allez savoir pourquoi, s'il y a un thème sur lequel j'ai de la résistance à écrire, c'est justement la résistance. J'ai fait toutes sortes de circonvolutions pour m'éviter ça, comme si le mot était porteur d'un mauvais sort, un mot grigri somme toute. Et malgré mes efforts, je dois le reconnaître: il semble aussi doté de la capacité d'empêcher d'écrire sur autre chose, dès lors qu'on commence à y songer. Me voilà donc au pied du mur.
Et après tout c'est quoi mon problème avec ce mot? C'est vrai quoi, je suis pourtant pas peu fière que mon arrière grand-mère ait animé un réseau de résistance à Saint-Denis, dans l'arrière cuisine du resto où elle bossait. Je l'imagine dans des tons sépias aux bords crantés. Ça me fait rêver. Mais je sais pas, c'est comme si entre la fin de la seconde guerre mondiale et aujourd'hui, à un moment t et pour des raisons mystérieuses, l'univers du développement personnel dans lequel je baigne avait déposé une sorte de voile d'interdit dessus: la résistance c'est mal, à la place, il faut se laisser aller au flot de la vie, s'abandonner, laisser faire, accepter...
Ben ouais mais bon, sans la résistance, rien de tout ce que nous vivons n'existerait. Sans même parler de la guerre, nous flotterions comme des âmes en peine dans un magma globuleux et informe. Je suis pas scientifique hein, mais ça paraît logique non? La matière même n'existerait pas! Et si la résistance c'était à la fois prendre forme, prendre position, entrer en relation, et si même se donner à voir était une forme de résistance, à l'œil de l'autre!
Et si s'incarner c'était résister? Ben je serais beaucoup moins stressée en regardant ma to do list... Après tout, il y aurait une chance non négligeable que mes résistances soient l'essence même de ma créativité, voire de ma personne, en train d'affiner les choix les plus judicieux, en résistant à ce qui l'est moins, par simple frottement au réel... Non?
Et si la danse était résistance... Utiliser la résistance du sol pour y prendre appui sans qu'il s'effondre, s'élancer dans l'espace et ne pas se disloquer en chemin, battre des bras sans se cogner au plafond, se frotter à l'autre, saisir, pousser, effleurer, toucher... Il paraît que de tous les mots du dictionnaire, ceux dont on se sert de moins en moins et tendent à disparaître sont ceux qui relèvent du champs sémantique du corps: entrons en résistance, et faisons vivre ces mots. Résiste! Prouve que tu existes!
Alors, on danse?