J'étais très jeune. Pas 10 ans. Ça a commencé par les pieds. Puis c'est passé aux genoux, je me rappelle. Et petit à petit, ça s'est diffusé dans tout le corps. Jusqu'aux ongles. A quinze ans j'avais fait le tour de la question je crois. Le premier tour du moins. Tout y est passé : j'ai tout détesté de mon corps. Détesté jusqu'à la honte. Au sentiment de monstruosité. Il fallait fuir mon reflet, à tout prix. Fuir mon image.
Alors j'ai fui.
Jusqu'à trouver
Une salle sans miroir.
J'y ai initié une lente, longue et exigeante ré-éducation de la trajectoire brisée de mon regard sur mon corps. Ne plus passer par une surface lisse, froide et plate, pour entrer en lien avec lui. Ne plus laisser ces intermédiaires faire la loi entre mon corps et moi.
Diriger mon regard vers l'intérieur. Directement. Dans les profondeurs. Visiter avec émerveillement les salles de ce palais mécanique situé aux confins de la magie, du sublime, de l'incompréhensible et du dégueulasse. Tour à tour fascinée, enchantée, extasiée, perdue, apeurée. J'ai actionné une à une, patiemment, chacune de ses parties, poussé des boutons, tourné des leviers, ouvert des portes, exploré sans relâche et sans reproche pendant des années. Pour le faire mien. Du dedans. Le rencontrer, vraiment.
Et aujourd'hui je peux le dire, je vis le grand Amour avec mon corps. Vous savez celui avec un grand A comme Avec des zones d'ombre et de lumière, des endroits douloureux et compliqués, des détails qu'on ne lâche pas et d'autres qui tout à coup deviennent limpides. Le grand Amour fait de grâce et de désespoir. D'inconnu et de rencontre. Ce grand Amour qui nous fait rester, heureux et conscients que c'est un apprentissage constant... Vivant.
Alors, on danse ?
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