Je pose le décor : tournage d'un film d'action indatable au carbone 14. Scène de poursuite. Pour l'ouvrir, le karatéka torse nu bourré d'abdos donne un grand coup de pied dans la porte. Plusieurs options :
1- son pied traverse la porte en carton. Faute de moyens, on garde la prise, et le comédien qui, lui, ne manque pas de ressources, fait bien ce qu'il peut pour que ça ait l'air vrai...
2- la porte s'ouvre, mais la secousse manque de faire effondrer toute la façade du décor, et se referme aussi violemment qu'elle s'est ouverte.
3- la porte n'était pas fermée à clé, mais ça on n'en saura jamais rien, parce qu'il n'a même pas vérifié, ça fait mieux de défoncer une porte, au cinéma.
4- pour les films de luxe où tout est bien calé, ça passe...
En matière de relation au monde, il m'arrive souvent de me sentir comme ce pauvre comédien vraiment pas aidé par le producteur pour déployer son talent, à défoncer des portes ouvertes, faire effondrer des décors, ou me prendre des portes dans la tronche aussi fort que je les ai ouvertes... oui, je suis bélier.
Dans notre cinéma intérieur, bien que parfois obscures et anciennes, les portes qui se dressent entre nous et le monde ont toujours une raison d'être... Nous les avons nous-même dressées. Alors il importe de mettre les moyens pour apprendre à les ouvrir. Et des scenarii, il y en a autant qu'on veut, ça fait pas toujours série Z.
Et si la danse était le studio de répétition des scènes d'action de nos vies? Parce que seul dans la foule, c'est pas drôle, apprendre à ouvrir la porte à l'inconnu est primordial, pour approcher et se laisser approcher, et il est tout aussi important d'apprendre à s'autoriser à y aller par étape, pas à pas, sans se faire mal, sans se prendre la porte dans la tronche et attendre 10 ans avant la tentative suivante! Et d'apprendre à en laisser certaines fermées! Se laisser voir est suffisamment précieux pour qu'on en prenne soin comme d'une diva!
Explorons le frisson d'écouter à la porte, de passer un œil et voir ce qu'il y a derrière, d'ouvrir en grand, de passer le seuil et laisser ouvert derrière soi, au cas où... ou de décider que le décor peut bien s'effondrer, mais pas sur nous...
Alors, on danse?